Les enquêtes de la CEB
Vous trouverez l’analyse complète de l’enquête en bas de cette page.
Bibliothèques académiques et livres numériques : analyse de l’enquête ebooks 2017
Contexte et généralités
En mai 2017, la Cellule e-book du consortium Couperin lançait cette nouvelle enquête sur les usages du livre numérique en bibliothèque académique. Partant du constat que l’offre de livres électroniques s’accroît et se diversifie, l’enquête avait pour but :
– d’effectuer un comparatif avec les résultats de l’enquête 2009, sachant que l’éventail des questions était moins large à cette époque ;
– de sonder les membres de Couperin sur les modèles économiques pertinents ;
– de collecter et diffuser les bonnes pratiques des établissements ;
– de dégager des préoccupations émergentes.
L’ambition de l’enquête, comportant 47 questions, est donc large, et vise à compléter les autres enquêtes menées au sein du consortium en identifiant les problématiques propres à ce média. L’ensemble de la chaîne d’acquisition/ traitement, signalement et valorisation du livre électronique y est abordé. Les questions portaient sur quatre thèmes : les éléments budgétaires, la politique documentaire, l’accès et le signalement, l’utilisation des statistiques.
Cette enquête est un succès, ne serait-ce que du point de vue du nombre d’établissements répondants (85 contre 77 en 2009), et de sa représentativité (En 2009, le spectre était un peu moins large : 56 université, 4 écoles de commerce, 14 écoles d’ingénieur et 2 organismes
de recherche) : 55 BU et assimilées dont les IEP, 6 écoles de commerce, 16 écoles d’ingénieur, 6 organismes de recherche dont la Bibliothèque nationale de France, et 2 autres. Cette relative diversification des profils s’explique d’une part par l’élargissement du consortium et l’intérêt toujours aussi constant des professionnels pour ce support, d’autre part par l’émergence de pratiques inédites, l’existence de nouvelles contraintes, le développement des technologies, l’amplification du nomadisme qui conditionnent l’exigence de l’usager à vouloir toujours plus d’accès à la documentation et ce quelle que soit l’interface de
connexion, le lieu et l’heure. Les bibliothèques sont donc forcées de s’adapter, et, dans ce contexte, les e-books proposent des potentialités très intéressantes.
Au vu des difficultés rencontrées dans les réponses à certaines questions (types de souscription, classification des fournisseurs d’e-books, identification des fournisseurs proposant des statistiques COUNTER), nous constatons encore que l’offre apparaît toujours aussi complexe et peu lisible et que, l’acculturation à l’objet e-book par les professionnels peut encore se révéler difficile. Même si le déséquilibre entre l’offre en langue anglaise et l’offre en français ou dans d’autres langues tant à s’amoindrir, certains secteurs disciplinaires sont encore peu couverts, ou bien s’ils sont couverts, ils ne le sont pas pour tous les niveaux. D’une manière générale, l’offre numérique pour les bibliothèques est très spécifique et reste moins bien fournie que l’offre grand public.
Les frontières typologiques parfois floues avec les bases de données ne participent pas à la bonne intelligibilité de ce support. De plus, l’enquête a mis au jour, mais cela est aussi applicable aux autres ressources numériques (revues, bases de données), une difficulté à construire des indicateurs, notamment par rapport à l’usage de l’imprimé, en termes de politique documentaire.
Budget et nature des acquisitions
Une part croissante mais relativement modeste des dépenses en ressources numériques est consacrée aux e-books (11,9%), que l’on peut expliquer par la pression forte des Big Deals, de l’inadéquation entre l’offre et la demande, des achats importants encore de monographies imprimées (notamment de manuels) ainsi que des nombreuses restrictions budgétaires. La moyenne des acquisitions est systématiquement plus élevée que la médiane, indiquant que certains établissements consacrent une part très importante de leur budget à l’acquisition
d’ebooks. Les universités bénéficient en général de budgets plus élevés que les organismes de recherche et les écoles.
Les bibliothèques opèrent à part à peu près égale des acquisitions pérennes et des abonnements, l’achat au titre à titre étant privilégié pour les premières, et l pour les seconds. Les modèles tarifaires semblent s’être encore complexifiés, parfois de manière artificielle, de fait, certains sont similaires malgré des appellations différentes (DDA, PDA, EBS, EBA, UCBM…) et mal assimilés par les professionnels. Les universités utilisent plus volontiers tout le panel des modèles. Le paysage éditorial s’est considérablement étoffé depuis 2009, avec l’apparition de nouveaux fournisseurs, la diversification des agrégateurs et de l’offre en français. Plus précisément, les fournisseurs français dominent le marché des abonnements, alors que les achats pérennes sont plus répartis entre les français et étrangers (frilosité traditionnelle des éditeurs français, offre anglophone pléthorique?). On remarque aussi que beaucoup de fournisseurs desservent un très petit nombre d’établissements à la fois, notamment des éditeurs en SHS. Ce sont d’ailleurs les livres en SHS qui sont les plus acquis en termes de volumes.
On constatera avec bonheur une meilleure couverture des négociations Couperin : 54% des acquisitions se faisaient hors Couperin en 2009, 62 à 74% se font dans le cadre consortial en 2017.
Politique documentaire et d’achat
Seule une minorité d’établissements a recours à des procédures normalisées dans le cadre des marchés publics ce qui démontre la difficulté d’élaborer un marché spécifique aux e-books. Les raisons sont multiples : la diversité des plateformes et des modèles rendant difficile la mise en concurrence, une offre fragmentée et mouvante, une offre aussi déficitaire par rapport à une demande toujours très forte de contenus, notamment de niveau Licence, en Français.
Pour ce qui concerne la politique documentaire, un basculement s’est également opéré ces dernières années : les bibliothécaires disciplinaires sont désormais soit décisionnaires soit co-décisionnaires quant à l’acquisition des e-books, ne laissant plus aux seuls responsables des ressources numériques le choix documentaire. Les e-books ne sont pas véritablement intégrés à la politique documentaire formalisée, il est encore difficile d’évaluer la part de substitution, complémentarité, doublonnage avec leurs équivalents imprimés. Le travail comparatif sur les indicateurs notamment ceux collectés par les SIGB reste difficile. Cependant de véritables stratégies documentaires se sont forgées. Ainsi certains établissements ciblent leurs acquisitions sur des éditeurs, des disciplines, des thématiques, des types d’ouvrages particuliers ou des pratiques d’usages très spécifiques favorisant tel mode d’accès sur un autre.
La complexité et la mobilité de l’offre, des modèles économiques et d’accès foisonnants et parfois peu lisibles et contraignants, la difficulté de collecter et de comparer les indicateurs, les budgets contraints sont autant de facteurs expliquant ce manque d’articulation avec la politique documentaire imprimée. Ces facteurs peuvent d’ailleurs constituer autant de freins à l’acquisition. Ils s’additionnent à l’indisponibilité de certains titres ainsi qu’au besoin d’acculturation et à la disponibilité de la part des bibliothécaires disciplinaires souvent occupés à d’autres tâches plus prioritaires. On le constate dans le large spectre des éditeurs (notamment français et grand public) demandés par les collègues dont un nombre significatif proposent déjà des offres.
Cette apparente méconnaissance des collègues sur les e-books d’ores et déjà disponibles traduirait plutôt une mauvaise réponse des éditeurs aux attentes des établissements : absence de certains ouvrages, notamment des éditions récentes, absence d’une offre au titre à titre, absence des titres auprès des fournisseurs retenus par les établissements …
Accès et signalement
Les OPAC restent majoritairement l’outil de signalement le plus commun (73% des répondants), en combinaison souvent avec des outils de découvertes, des listes A to Z, de listes sur les sites Web. Le signalement est encore considéré comme une tâche fastidieuse en raison de la masse de données à traiter, de leurs qualité aléatoires, de la lourdeur des workflows à mettre en place, du nombre encore minoritaire de notices dans le Sudoc, de l’instabilité des bouquets, du manque de personnel. En effet, la plupart des établissements ayant répondu évaluent à 1 ETP ou moins le personnel dédié à l’acquisition et au signalement des e-books.
Cependant les établissements ont conscience de l’importance de la valorisation des ressources numériques (90% ont mis en place des actions en ce sens) : valorisation numérique (réseaux sociaux, carrousel, envoi de newsletters, blogs plus rarement), et valorisation physique. Deux tiers des répondants utilisent ainsi des fantômes ou des tables de présentations. Deux tiers également mettent en avant les livres numériques dans les formations, surtout en L et M, et parfois dans des formations dédiées à ce support. Les différentes pratiques de valorisation sont le plus largement implantées en BU. Ces dernières sont par ailleurs les seules à recourir massivement au SUDOC et se distinguent par l’utilisation des réseaux sociaux et la généralisation de la formation.
Usages et statistiques
Les bibliothèques ont considérablement amélioré depuis 2009 la collecte des statistiques d’usages. Aux statistiques Counter se sont ajoutées pour 15 établissements les statistiques collectées par EzPAARSE. Les indicateurs élaborés à partir des statistiques restent majoritairement le coût au téléchargement ou à la consultation, à l’instar du coût par article pour les revues électroniques. Des « hit-parades » sont aussi élaborés. Cependant, peu d’établissements mettent encore en parallèle les statistiques des SIGB même si un certain nombre en a le projet ou la volonté. Ceux qui le font d’ailleurs procèdent par segment sur des collections phares ou des éditeurs précis. Plus de la moitié des établissements pourtant font des statistiques d’usage un critère essentiel de reconduction ou suppression d’abonnement. Afin d’avoir une vision plus large et en même temps plus fine des usages, 20% des établissements (9% en 2009) ont mené des enquêtes qualitatives auprès des usagers.
Perspectives de l’enquête
Ainsi, il serait intéressant dans de futurs approfondissements d’étudier les modes d’utilisation des e-books, d’avoir une vision du parcours de lecture d’un e-book : en d’autres termes de mieux comprendre l’usage du livre électronique par les lecteurs de l’ESR, étudiants et enseignants. La question des indicateurs et de l’articulation fine entre les acquisitions des imprimés, et plus globalement des usages papier / électronique demeure cruciale.
Cependant, les livres électroniques sont donc, désormais, bien ancrés dans l’offre mise à disposition par bibliothèques académiques, ils sont mieux appréhendés, mieux signalés, et l’objet d’efforts de valorisation. Même si les livres électroniques sont encore loin de pouvoir remplacer la bibliothèque traditionnelle. Les attentes vis-à-vis de ce support sont fortes, en particulier pour développer l’usage de la documentation électronique dès les premières années de formation. Si des progrès notables ont été réalisés et que les bibliothèques ont su confectionner une offre documentaire et la valoriser, en dépit des lacunes de l’offre commerciale, il n’en demeure pas moins que l’ajout de nouveaux contenus éditoriaux reste une exigence.
Les enjeux qui prévalaient en 2009 restent encore d’actualité : offrir l’offre la plus large possible, avec des modèles économiques et d’accès durables et intelligibles, l’acculturation et la formation des professionnels, la pérennité de l’achat, ainsi que l’évaluation des usages.
La Cellule e-book
Et en particulier Florence Barré (Université de Nîmes), Marie-Line Chautemps(Bibliothèque Interuniversitaire Cujas,) Emilie Cosson (Université Paris-Descartes), Maité Fauchoux (Bibliothèque Interuniversitaire de la Sorbonne), Delphine Lescot (Université du Havre), Claire Nguyen (Université Paris-Dauphine), Dorothée Pain (Université de Versailles et de Saint-Quentin-en-Yvelines), Sébastien Respingue-Perrin (Université d’Evry), Odile Richaud (INSA Lyon), Thomas Violet (Bibliothèque Interuniversitaire de Santé).